Poèmes

Ballade des femmes de Paris (Le Testament)

Quoi qu’on tienne belles langagières
Florentines, Vénitiennes,
Assez pour être messagères,
Et mêmement les anciennes ;
Mais soient Lombardes, Romaines,
Genevoises, à mes périls,
Piémontaises, Savoisiennes,
Il n’est bon bec que de Paris.

De très beau parler tiennent chaires,
Ce dit-on, les Napolitaines,
Et sont très  bonnes  caquetières
Allemandes et Prussiennes ;
Soient Grecques, Egyptiennes,
De Hongrie ou d’autre pays,
Espagnoles ou Catalennes,
Il n’est bon bec que de Paris.

Brettes, Suisses n’y savent guère,
Gasconnes, n’aussi Toulousaines :
Du Petit Pont deux harangères
Les concluront, et les Lorraines
Anglaises et Calaisiennes,
(Ai-je beaucoup de lieux compris ? )
Picardes de Valenciennes ;
Il n’est bon bec que de Paris.

Prince, aux dames Parisiennes
De bien parler donnez le prix.
Quoi que l’on dise d’Italiennes,
Il n’est bon bec que de Paris.

François Villon (XVème siècle)

Paris

Dedans Paris, ville jolie,
Un jour passant mélancolie,
Je pris alliance nouvelle
A la plus gaie des demoiselles
Qui soit d’ici à l’Italie.

D’honnêteté elle est saisie,
Je crois selon ma fantaisie,
Qu’il n’en est guère plus belle qu’elle,
Dedans Paris.

Je ne la nommerais ma mie,
Sinon que c’est ma grande amie ;
Car l’alliance se fit telle
Par un doux baiser que j’eus d’elle,
Sans penser aucune infamie.

Clément Marot (XVIème siècle)

Sur Paris

Un amas confus de maisons
Des crottes dans toutes les rues
Ponts, églises, palais, prisons
Boutiques bien ou mal pourvues

Force gens noirs, blancs, roux, grisons
Des prudes, des filles perdues,
Des meurtres et des trahisons
Des gens de plume aux mains crochues

Maint poudré qui n’a pas d’argent
Maint filou qui craint le sergent
Maint fanfaron qui toujours tremble,

Pages, laquais, voleurs de nuit,
Carrosses, chevaux et grand bruit
Voilà Paris que vous en semble ?

Paul Scaron (XVIIème siècle)

Sur la ville de Paris

Rien n’égale Paris ; on le blâme, on le louë ;
L’un y suit son plaisir, l’autre son interest ;
Mal ou bien, tout s’y fait, vaste grand comme il est
On y vole, on y tuë, on y pend, on y rouë.

On s’y montre, on s’y cache, on y plaide, on y jouë ;
On y rit, on y pleure, on y meurt, on y naist :
Dans sa diversité tout amuse, tout plaist,
Jusques à son tumulte et jusques à sa bouë.

Mais il a ses défauts, comme il a ses appas,
Fatal au courtisan, le roy n’y venant pas ;
Avecque sûreté nul ne s’y peut conduire :

Trop loin de son salut pour être au rang des saints,
Par les occasions de pécher et de nuire,
Et pour vivre longtemps trop prés des médecins.

Isaac de Benserade (XVIIème siècle)

Voyage à Paris

Ah ! la charmante chose

Quitter un pays morose

Pour Paris

Paris joli

Qu’un jour

Dut créer l’Amour

Ah ! la charmante chose

Quitter un pays morose

Pour Paris

      Guillaume Apollinaire (1880-1918)

Paris

O Paris, ville ouverte
Ainsi qu’une blessure,
Que n’es-tu devenue
De la campagne verte.

Te voilà regardée
Par des yeux ennemis,
De nouvelles oreilles
Écoutent nos vieux bruits.

La Seine est surveillée
Comme du haut d’un puits
Et ses eaux jour et nuit
Coulent emprisonnées.

Tous les siècles français
Si bien pris dans la pierre
Vont-ils pas nous quitter
Dans leur grande colère ?

L’ombre est lourde de têtes
D’un pays étranger.
Voulant rester secrète
Au milieu du danger

S’éteint quelque merveille
Qui préfère mourir
Pour ne pas nous trahir
En demeurant pareille.

Jules Supervielle (1884-1960)

Dans Paris…

Dans Paris, il y a une rue ; dans cette rue, il y a une maison ; dans cette maison, il y a un escalier ; dans cet escalier, il y a une chambre ; dans cette chambre, il y a une table ; sur cette table, il y a un tapis ; sur ce tapis, il y a une cage ; dans cette cage, il y a un nid ; dans ce nid, il y a un œuf ; dans cet œuf, il y a un oiseau.

L’oiseau renversa l’œuf ; l’œuf renversa le nid ; le nid renversa la cage ; la cage renversa le tapis ; le tapis renversa la table ; la table renversa la chambre ; la chambre renversa I’escalier ; l’escalier renversa la maison ; la maison renversa la rue ; la rue renversa la ville de Paris.

Paul Eluard (1895-1952)

Chanson de la Seine

La Seine a de la chance
Elle n’a pas de souci
Elle se la coule douce
Le jour comme la nuit
Et elle sort de sa source
Tout doucement, sans bruit…
Sans sortir de son lit
Et sans se faire de mousse,
Elle s’en va vers la mer
En passant par Paris.

La Seine a de la chance
Elle n’a pas de souci
Et quand elle se promène
Tout au long de ses quais
Avec sa belle robe verte
Et ses lumières dorées
Notre-Dame jalouse,
Immobile et sévère
Du haut de toutes ses pierres
La regarde de travers

Mais la Seine s’en balance
Elle n’a pas de souci
Elle se la coule douce
Le jour comme la nuit
Et s’en va vers le Havre
Et s’en va vers la mer
En passant comme un rêve
Au milieu des mystères
Des misères de Paris

Jacques Prévert (1900-1977)

Il n’y a qu’à Paris…

Il n’y a qu’à Paris que le ciel est si bleu et la Seine si grise
que le ciel est si gris et la Seine si bleue que la lumière grise
et trouble le regard sur les quais de la Seine en glissant sous les ponts.
Une péniche passe et traverse la ville en écho lui répond
un blanc sillage au ciel comme au bleu de la mer de longues traînées blanches.
Il n’y a qu’à Paris que place de l’Etoile en semaine et dimanche
le soldat inconnu est un mort honoré par la guerre oublié
il n’y a qu’à Paris qu’à ranimer le feu Paris se croit tenu.
Il n’y a qu’à Paris que le zinc bleu des toits devient noir sous la pluie
et que l’ardoise sèche a ce soleil d’été que le printemps oublie;

François Caradec (1924-2008)

Paris blanc

La neige et la nuit
Tombent sur Paris,
A pas de fourmi.

Et la ville au vent
Peint l’hiver en blanc,
A pas de géant.

La Seine sans bruit
Prend couleur d’encens
Et de tabac gris.

A l’hiver en blanc,
Le temps se suspend,
A pas de fourmi.

A pas de géant
Tombent sur Paris
La neige et la nuit.

Pierre Coran (1934)

Notre Auber

Notre Auber qui êtes Jussieu
Que Simplon soit Parmentier
Que Ta Volontaires soit Place des Fêtes
Que Ton Rennes arrive
Sur Voltaire comme Courcelles
Donne-nous Galliéni notre Havre-Caumartin
Et ne nous soumets pas à la Convention
Cambronne-nous nos Défense
Comme nous Odéon à ceux qui nous ont Maraîchers
Délivre-nous des Halles
Miromesnil

Hervé le Tellier (1957)