Si les noms des préfets Rambuteau ou Poubelle sont connus des parisiens, Haussmann reste le plus célèbre… et le plus contesté. De 1853 à 1870, à la demande Napoléon III, il fait basculer Paris, ville encore médiévale, dans la modernité. C’est bien l’œuvre d’un pouvoir fort, qui impose – à marche forcée – la plus grande transformation urbaine de l’histoire sans qu’une catastrophe en soit la cause, comme à Rome, Lisbonne ou Londres.
On estime que les travaux ont modifié Paris à 60 % ! Et il ne s’agit que du Paris d’alors, à l’intérieur de la barrière des Fermiers Généraux…
Yvon – le baron Haussmann (1867 – Carnavalet)
Au-delà du prestige, plusieurs raisons imposent ces travaux :
- les épidémies de choléra successives, dans la première partie du XIXème siècle, les conditions sanitaires, nécessitent une transformation de la ville, en adéquation avec les théories hygiénistes (qualité de l’eau et de l’air) ;
- l’accroissement de la ville entraine un engorgement dans la circulation des personnes et des biens ; la Seine, très encombrée et polluée, reste le vecteur principal de communication, les rues de la ville sont étroites et sales ;
- le siècle a connu de nombreux soulèvements populaires, cristallisés sur les barricades dans un tissu urbain dense et sinueux, difficile à investir ;
- l’industrialisation a généré des fortunes et les progrès techniques ouvrent de nouvelles opportunités d’investissements.
Soutenu par les banquiers Pereire et Rothschild, il s’entoure d’une équipe pluri-disciplinaire :
- Eugène Belgrand,chargé d’approvisionner Paris en eau potable, d’assainir la Seine et de créer un réseau moderne d’égouts,
- Jean Charles Alphand, avec Jean-Pierre Barillet-Deschamps,imagine promenades, parcs et jardins destinés à embellir et assainir Paris (Buttes Chaumont, Montsouris…)
- Une pléiade d’architectes, dont Hittorff (gares, place de l’Etoile) ; Baltard (les Halles) ; Davioud (les théâtres du Châtelet, fontaines).
Le projet couvre tous les domaines de l’urbanisme : voies, réglementation des façades, espaces verts, mobilier urbain, égouts et réseaux d’adduction d’eau, équipements et monuments publics. Le plan d’urbanisation est fondé sur la ligne droite ; l’avenue haussmannienne est large et droite, à la pente aplanie, avec un monument dans sa perspective. L’immeuble est donc strictement normé (gabarit, façade, balcons, toiture…) et s’efface dans cette vision horizontale.
On perce de nouvelles voies derrière les bâtiments en place, dans des zones peu construites et peu coûteuses en expropriation (ainsi, le boulevard Sébastopol, entre les rues Saint Denis et Saint Martin). On détruira 20 000 maisons pour en construire le double, équipées d’eau courante et de gaz. Les bâtiments historiques (Notre-Dame, Hôtel de Ville…) sont dégagés.
Le 1er janvier 1860, les communes incluses jusqu’à l’enceinte de Thiers sont annexées à Paris, qui passe de 12 à 20 arrondissements et d’un million à un million six cent mille habitants.
Les nouveaux règlements imposent des constructions d’un niveau de standing élevé, excluant de facto les classes les moins aisées de la société parisienne. Par ailleurs, l’octroi repousse les industriels hors la ville – et par voie de conséquence, la population ouvrière.
Bien sûr, il y a eu des destructions, mais désormais, l’eau arrive dans chaque cour d’immeuble, le réseau d’égouts et une meilleure circulation de l’air permettent une éradication rapide des épidémies, la centralisation des abattoirs parisiens à la Villette, de nouveaux ponts, des églises, des théâtres modernisent le paysage urbain. L’exposition universelle de 1867 est une magnifique vitrine des réalisations du Second Empire.